Maitres nageurs

BLESSURES D’ÉPAULES

Prévention de blessure d’épaule de dysfunction– Johnny Fuller, Gestionnaire, Service paramédicaux, Natation Canada

Les exercises de l’épaule: un dilemme à trancher

Les troubles de l’épaule et du haut du corps sont (de loin) les problèmes musculosquelettiques les plus fréquents en natation compétitive de haut niveau. Cette nouvelle n’a probablement choqué personne chez ceux et celles qui s’impliquent et s’investissent dans notre sport. Cependant, même si cette réalité est bien connue de tous, les façons d’améliorer et de maintenir l’intégrité de l’épaule varient d’un thérapeute à l’autre, d’un entraîneur à l’autre et d’un athlète à l’autre.

Mon approche vise toujours autant que possible la prévention des blessures et des dysfonctionnements, de manière proactive et non réactive. Ainsi, en ce qui concerne l’épaule, mes priorités demeurent la stabilité de l’articulation, le maintien de la longueur du muscle et la promotion d’une mécanique optimale du mouvement. De manière générale, ces résultats sont obtenus grâce à des exercices d’activation adéquats, structurés et répétés, minutieusement insérés à tous les éléments du programme. Ce faisant, nous permettons aux athlètes de tirer le meilleur profit de leurs séances en salle ou en piscine et – fait tout aussi important – de réduire le risque de blessures.

D’après mon expérience, et partout où j’ai travaillé, la tendance à accorder trop peu d’importance aux exercices d’activation – préférant précipiter cet aspect du programme ou s’attarder à des mouvements d’échauffement traditionnels, bien souvent inefficaces. On s’attend généralement à ce que les séances de force et de conditionnement suffisent au renforcement de l’épaule. Dans le meilleur des cas, cette approche limitera le potentiel de la performance ; dans le pire, l’athlète subira une blessure qui entraîne souvent un arrêt des séances en piscine ou du moins, un allègement significatif de la charge d’entraînement. Toutefois, en ajoutant un travail d’activation de qualité avant toute séance en piscine ou en salle – combiné à des stratégies de récupération efficaces à la suite des entraînements – nous pouvons pratiquement garantir de meilleurs résultats et une réduction du nombre de blessures.

En matière d’activation efficace de l’épaule, le « meilleur exercice » variera d’un athlète à l’autre. Il est tout à propos de prendre le temps d’identifier les faiblesses, les déséquilibres de forces et les désalignements pour cibler les exercices les plus efficaces. À mon sens, les exercices d’activation de l’épaule comptent généralement pour 20-25 % de la séance réalisée avant l’entraînement en piscine ou en salle – parfois davantage si l’épaule est jugée vulnérable. Je préconise une séance de 25 à 30 minutes avant tout entraînement. Celle-ci se constitue à 20 % d’exercices de mobilisation ou d’étirement, à 60 % de travail actif (stabilisation de l’épaule, gainage et alignement, et renforcement du bas du corps – voir les articles des bulletins techniques précédents) et 20 % de travail en puissance et en force.

Cela dit, malgré mon insistance sur la nécessité de prescrire des exercices adaptés aux besoins de chaque athlète, on me demande souvent quels exercices d’épaule je préfère le plus (et le moins). Dresser une liste définitive est une tâche complexe – par exemple, certains exercices se prêtent bien à la réadaptation à la suite d’une blessure, alors que d’autres contribuent simplement à l’amélioration de la performance. Cependant, depuis le début de ma carrière (particulièrement en natation où l’épaule est l’une des articulations les plus sollicitées), je recommande toujours le même groupe d’exercices clés. En plus d’être efficaces, ils sont tous simples et polyvalents. On peut les introduire à tout stade de la réadaptation de la blessure et les ajouter à l’activation générale avant l’entraînement en piscine ou en salle. Ils sont d’autant plus faciles à enseigner et à superviser, et ils nécessitent peu d’équipement, voire aucun. Ils s’adaptent facilement selon les habiletés et ils entraînent presque automatiquement une amélioration de la biomécanique du style de nage. Même si ces exercices peuvent sembler d’une simplicité ennuyante, je crois que le succès (du point de vue de la performance ou de la réadaptation à la suite d’une blessure) s’obtient grâce à des pratiques simples, élémentaires et fondamentales dès le départ.

Voici donc mes cinq exercices d’épaules préférés (sans ordre particulier). Si vous ne les utilisez pas déjà, je vous suggère de les essayer.

1. Mouvements isométriques de l’épaule et exercices « Bouhler »

Les exercices isométriques simples de l’épaule sont trop souvent ignorés et sous-exploités. Toutefois, ils ont maintes fois prouvé qu’ils sont de fantastiques outils pour la réadaptation et l’activation générale de l’épaule. Des postures isométriques efficaces sont facilement réalisables dans le spectre des mouvements élémentaires de l’articulation de l’épaule (glénohumérale) – flexion, extension, abduction, adduction, rotations interne et externe – et ils stimulent aussi la musculature propre à la natation (coiffe des rotateurs, deltoïdes, grands et petits pectoraux, grands dorsaux, triceps et biceps). L’ajout d’exercices de type « Bouhler » contribue aussi à l’améliorer de la coactivation du faisceau inférieur du trapèze et des rhomboïdes. Personnellement, j’estime qu’ils sont la clé pour contrer bon nombre de troubles de l’épaule et améliorer la robustesse de l’articulation.

2. Élévation en « Y », position couchée (combinée à des élévations en « T », « W », « L » et « I »)


Cet exercice est génial pour solliciter et activer les muscles postérieurs de l’épaule et, par le fait même, contrer les troubles sous-acromiaux. J’inclus cet exercice à toute séance précédant l’entraînement en piscine ou en salle presque sans exception. J’encourage les athlètes à se concentrer sur la portion excentrique du mouvement autant que sur la portion concentrique afin d’en tirer le maximum de bénéfices (pour le « Y », le « T », le « W », le « L » et le « I »). Efficace en mouvement simple ou double des bras, on peut aussi établir une progression de cet exercice grâce à des appareils à câbles, des haltères et des élastiques en position debout.

3. Tractions avec poulie haute

Les tractions avec poulie haute (malgré l’opinion de nombreux spécialistes) sont souvent les victimes et non les coupables lorsqu’on constate de mauvaises biomécaniques de l’épaule, des déséquilibres ou des dysfonctionnements. Miser sur ce genre d’exercices peut réduire la suractivité des deltoïdes – éliminant ainsi « l’arc douloureux » (l’épaule du nageur) dont tant de nageurs souffrent. Le mouvement d’un seul bras tendu, en position debout, est jugé optimal. Encore une fois, les meilleurs résultats sont obtenus en réalisant la phase excentrique de manière lente et contrôlée.

4. Développé à un bras au-dessus de la tête

Le développé à un bras au-dessus de la tête est un autre excellent mouvement pour provoquer une coactivation (patrons de mouvements) adéquate des muscles clés de l’épaule, de l’omoplate et du tronc. Ma version préférée de ce mouvement est le développé qu’on appelle « Arnie » – principalement parce qu’il sollicite l’épaule dans une vaste amplitude et dans de nombreux plans de mouvement (gardez les poids bas au début afin d’éliminer tout apport des muscles compensatoires, et portez une attention particulière à la phase excentrique).

5. Push-up

Il s’agit d’un excellent exercice en chaîne fermée (bon pour la proprioception) qui augmente l’action de la partie postérieure de la coiffe des rotateurs et renforcit les muscles antérieurs de l’épaule et de la poitrine. On peut le décliner en plusieurs versions et l’adapter facilement. Il est donc utile à tout stade de la réadaptation et du conditionnement. En ce qui concerne les manières d’adapter ce mouvement pour assurer sa pleine efficacité, vous pouvez modifier l’amplitude, varier la position des mains, interrompre l’inertie du mouvement, augmenter la taille du levier, moduler la position du pivot, changer le poids, la séquence ou le nombre de répétitions, réduire la stabilité, éliminer une perception sensorielle, accélérer ou ralentir le mouvement, augmenter la durée de la contraction, porter attention à divers éléments du mouvement (vitesse en phase concentrique/excentrique), etc.

J’espère que cet article suscite une réflexion par rapport à vos pratiques et qu’il vous aide à mettre en place des stratégies d’exercices efficaces.