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D’inconnue à championne du monde, MacNeil est la révélation de l’année

Articles de fond –

BY NATHAN WHITE

C’est probablement la photo la plus emblématique des Championnats du monde FINA 2019 à Gwangju

Trois des nageuses les plus rapides au monde, côte à côte, après avoir remporté leur médaille au 100 m papillon. Elles montrent à la caméra leurs mains sur lesquelles elles ont inscrit des messages d’encouragement pour la Japonaise Rikako Ikee, qui lutte présentement contre une leucémie et n’a pu prendre part à la compétition.

À gauche, la vétérante australienne Emma McKeon, quadruple médaillée olympique. À droite, la Suédoise Sarah Sjostrom, triple championne du monde et championne olympique en titre sur la distance. Entre les deux, avec la médaille d’or autour du cou, un sourire béat au visage, la jeune femme qui a pris ses deux rivales par surprise, et la majorité de la communauté de natation, en devenant championne du monde.

Grâce à sa performance à Gwangju, Margaret MacNeil de London, Ontario, est nommée la révélation de l’année de Natation Canada. Elle est la première nageuse au pays à remporter cet honneur. Mais comment, à seulement 19 ans, Margaret a-t-elle pu se retrouver au centre de cette photo ?

Exactement un an plus tôt, à la suite des Essais canadiens tenus à Edmonton en Alberta, le Canada annonçait son équipe pour les Championnats pan-pacifiques 2019 à Tokyo. Trente-cinq nageurs ont été nommés sur cette équipe annoncée au Kinsmen Sports Centre, domicile des Jeux du Commonwealth en 1978. MacNeil n’en faisait pas partie.

Alors âgée de 18 ans, MacNeil avait en fait très bien nagé à la compétition, terminant 4e au 100 m libre et 2e au 100 m papillon. Elle aurait pu accepter sa place sur sa première équipe nationale sénior. Mais ce voyage à Tokyo arrivait un peu plus tôt que prévu pour la nageuse de 18 ans dont la planification et vision minutieuse de son futur rendrait même le DG de Fortune 500 envieux. Cette dernière s’attendant à se tailler une place sur l’équipe des Championnats pan-pacifiques juniors et éventuellement sur une équipe sénior dans les deux prochaines années, elle avait déjà commencé à suivre des cours à l’université du Michigan. Elle a donc refusé sa nomination.

Une décision payante. Bien qu’elle ait retardé ses débuts sur l’équipe nationale sénior d’une année, elle a excellé aux pan-pacs juniors. Commencez ses études à l’avance lui a aussi permis d’avoir une année scolaire moins chargée et mieux se préparer en vue d’une qualification olympique en 2020.

Les pan-pacs juniors étaient la dernière de plusieurs équipes, camps et initiatives auxquels MacNeil a pris part grâce au programme national de développement de Natation Canada.

« Elle a participé à tous les camps auxquels elle a été invitée et était fière de faire partie des initiatives de Natation Canada, » a dit l’entraineur national de développement de Natation Canada Ken McKinnon. « Maggie était toujours une présence positive sur les équipes et une excellente coéquipière. »

Son expérience avec le programme junior l’a aussi obligé à confronter ses troubles contre l’asthme.

« …je l’ai à peine terminé parce que je n’arrivais pas à respirer »

« Lors d’une coupe du monde à Singapour en 2017, l’air était tellement humide, je n’arrivais pas à respirer, » se souvient-elle. « Lorsque je suis rentrée à la maison, je suis finalement allée voir un pneumologue et j’ai découvert que je faisais de l’asthme sportif, qui peut être aggravé par l’exposition au chlore. »

En tentant de mieux contrôler son asthme, elle a, sans le vouloir, commencé à se concentrer davantage sur les plus courtes distances.

« Aux Championnats provinciaux de l’Ontario en 2018, j’ai nagé le 200 m papillon et je l’ai à peine terminé parce que je n’arrivais pas à respirer, » a dit MacNeil, qui a travaillé avec un spécialiste pour déterminer le bon dosage de médicaments.

« Je prends ce qui fonctionne bien pour moi, je me suis concentrée sur les épreuves de sprint et je suis devenue meilleure. Je ne me vois pas me concentrer sur les plus longues distances à nouveau, le sprint fonctionne assez bien pour moi. »

Au moment où elle participait à ses deuxièmes pan-pacs juniors 2018, « Maggie était de facto la leader de l’équipe à la piscine comme à l’extérieur, » a dit McKinnon.

MacNeil a remporté quatre médailles à la compétition internationale junior à Suva, Fidji, trois médailles en relais et l’or au 100 m papillon.

Malgré cela, son temps de 58,38 secondes au 100 m papillon ne faisait pas partie du top 100 mondial en 2018. Une excellente performance pour une junior, mais une goutte d’eau sur la scène mondiale, rien qui laisserait présager qu’elle monterait sur la plus haute marche du podium aux Championnats du monde moins d’un an plus tard.

En dehors de son petit cercle de coéquipiers, famille, amis et supporteurs au Canada, à son arrivée à Ann Arbor, où elle a entrepris sa première année d’université au Michigan, personne ne l’a connaissait.

MacNeil allait bientôt impressionner un autre groupe : ses coéquipiers à l’université du Michigan grâce à son éthique de travail et sa personnalité.

« La première semaine, elle m’intimidait. Je me disais : “mon Dieu personne ne nage aussi vite à la mi-saison, sans être reposée.” C’était fou, » a dit Alexis Margett, native de la Californie ayant représentée la Bolivie aux mondiaux.

Margett se rappelle que sa coéquipière était très calme et réservée au début. C’est à la mi-saison qu’elle a entendu le rire caractéristique de MacNeil pour la première fois à l’aéroport le plus achalandé du monde à Atlanta en Géorgie.

Quelques nageurs jouaient à un jeu de cartes « spoons ». Les joueurs doivent se passer rapidement les cartes et tenter de collecter les quatre enseignes. Lorsque quelqu’un y parvient, tout le monde tente de rapidement saisir les cuillères au centre des joueurs. Mais cette fois, au lieu d’utiliser des cuillères, les joueurs utilisaient un hybride cuillère/fourchette.

« Nous utilisions des fourchettes et lorsque j’ai tenté de la saisir, je me suis accidentellement blessée. Maggie a commencé à rire et ça a résonné dans tout l’aéroport, » a dit Margett. « Tout le monde a arrêté ce qu’il faisait et a commencé à nous fixer en se disant : “mon Dieu, est-ce que ce son provient d’elle ?” C’était la première fois que je l’entendais rire. J’ai trouvé ça hilarant, j’ai tellement ri que j’en ai pleuré, ce qui l’a fait rire encore plus. Nous avons probablement ri pendant un bon 8 minutes. Je disais : comment arrives-tu à respirer ? » Elle ne fait qu’inspirer. Je vais commencer à l’appeler la Bernache du Canada. »

Durant la saison 2018-2019, les deux coéquipières sont devenues très proches.

« En pratique, nous faisons les folles un peu, nous essayons de rendre chaque pratique aussi amusante que possible, » dit Alexis Margett. « Elle est le genre de personne qui vous pousse jusqu’au bout, même quand la pratique est vraiment difficile. »

Maggie sait que son programme au London Aquatic Club avec l’entraineur Andrew Craven lui a offert une excellente base. Elle attribue son progrès à l’augmentation de son entrainement en salle et de sa meilleure forme physique grâce au programme de Mike Bottom au Michigan.

« Nous nous entrainons beaucoup en puissance, beaucoup de travail sous l’eau et beaucoup de choses consacrées à mes épreuves, » dit MacNeil.

MacNeil est parvenue à transformer son travail ardu en quatre titres du Big Ten, aidant le Michigan à obtenir la deuxième place au classement de la conférence. Elle a aussi remporté le titre de recrue de l’année par la même occasion. Aux Championnats nationaux des collèges, elle a terminé au deuxième rang du 100 verges papillon derrière la Suédoise Louise Hansson de l’Université Southern California.

Aux Essais canadiens en avril 2019, MacNeil a abaissé son meilleur temps personnel au 100 m papillon à 57,04 pour remporter son premier titre de championne nationale sénior. Cette fois, aucun doute qu’elle reçoive, et accepte une invitation pour représenter l’équipe canadienne aux Championnats du monde.

Même en sachant à quel point elle travaille fort et voyant la vitesse à laquelle elle s’améliorait, les gens les plus près d’elle ne pariait pas nécessairement sur ses chances de battre la puissante Sarah Sjostrom aux mondiaux. Depuis 2013, la légende suédoise avait remporté les quatre derniers titres internationaux sur la distance : trois aux Championnats du monde et un aux Jeux olympiques.

« C’était une bataille pour la deuxième place. »

« Elle nage vite en pratique, alors je savais qu’elle nagerait vite. Mais j’imagine que lorsque vous nagez contre une telle championne, les gens pensent qu’elle est invincible. Personne ne s’y attendait, » a dit Margett.

« C’était une bataille pour la deuxième place. »

À Gwangju, Sjostrom a été la nageuse la plus rapide des demi-finales pour mériter sa place dans le couloir 4. Dans le 5, Maggie MacNeil, de 7 ans sa cadette. Se décrivant elle-même comme « la plus grande fan de natation », elle s’imaginait seulement participer à la même compétition que l’un de ses modèles.

« Il y a zéro pour cent de moi qui pensait cela possible, » se rappelle MacNeil. « Je me disais seulement que ce serait cool de remporter une médaille. Il n’était pas question de l’or. Je ne veux pas dire que je ne le considérais pas, mais je ne pensais jamais gagner. »

Sjostrom est partie en un fulgurant 25,96 secondes sur les 50 premiers mètres, 0,81 seconde devant MacNeil, cinquième au virage. Mais MacNeil à gagner du terrain grâce à ses excellentes coulées, et a passé Sjostrom dans les 15 derniers mètres. À ses deux dernières tractions, il était clair que l’adolescente était devant la légende, arrêtant le chrono en un temps de 55,83, un nouveau record du Commonwealth et des Amériques, confortablement devant Sjostrom à 56,22.

« Toute cette journée est un peu floue pour moi, je n’arrive pas encore à croire que c’est arrivé, » a dit MacNeil.

« C’est fou quand j’y repense, » a dit MacNeil, qui commence sa deuxième année à Michigan.

Certains athlètes universitaires prennent une année sabbatique de la compétition afin de mieux se préparer pour les Jeux olympiques. MacNeil a choisi de refaire ce qui a bien fonctionné pour elle l’an dernier. Vous vous souvenez de sa décision de refuser sa place sur l’équipe nationale et de compléter quelques crédits tôt en 2018 ? Cette prévoyance à seulement 18 ans lui a permis d’alléger son volume d’étude et de mieux se concentrer sur sa natation lors de cette année très importante.

« Je suis quelqu’un de très organisé. J’aime savoir ce que je vais faire et planifier mon futur, » a dit MacNeil, qui planifie étudier le droit ou la médecine après avoir complété son diplôme de premier cycle. « J’étais tenté d’aller aux pan-pacs 2018, mais j’ai pris la bonne décision. »

Elle dit que peu de choses ont changé dans sa vie sur le campus, mais lorsqu’elle était encore une recrue inconnue, elle n’était pas honorée au stade de l’université qui accueille l’une des plus grandes foules du football américain. Les nageurs ne reçoivent généralement pas de reconnaissance à cette école reconnue pour son programme de football ayant produit le sextuple champion du Super Bowl Tom Brady et neuf athlètes du temple de la renommée du football. Mais MacNeil a pu vivre cette reconnaissance l’automne dernier avec son coéquipier l’Autrichien Felix Aubock, un nageur de distance ainsi que deux gymnastes qui ont tous remporté des titres nationaux collégiaux.

« Nous avons paradé sur le terrain et ils ont fait jouer un vidéo célébrant nos victoires devant 111 000 personnes. C’est la chose la plus folle qui soit arrivée. Le bruit est assourdissant et la fanfare est incroyable, c’est mon moment favori, » a dit MacNeil, qui est elle-même une talentueuse joueuse de violon et de clarinette. « Nous nous sommes rendus sur le terrain et avons regardé la partie. C’est différent que lorsqu’on regarde des estrades.

Et il faut faire plus attention au ballon. »

Elle admet toutefois se faire reconnaitre davantage. Il lui arrive parfois qu’on lui demande de la prendre en photo, mais insiste pour dire que rien n’a vraiment changé, autres que les changements normaux pour une étudiante de deuxième année. Son amie Alexis est d’accord.

« Elle est très humble. Elle n’est pas du genre à se vanter. Elle le garde pour elle et n’en parle pas ouvertement. Elle montre son talent dans l’eau, » dit Alexis. « Si quelqu’un lui demande : “peux-tu me parler de toi un peu ?” Elle ne dirait pas directement “Je suis championne du monde”. Elle commencera par la base. »

En fait, ce sont plutôt ses amis comme Alexis Margett qui la taquine avec cela.

« Je me sers du fait qu’elle est championne du monde comme motivation dans la salle de gym ou à la piscine, » a dit Alexis. « Si elle fait des tractions, je lui dis : “Je pense que les championnes du monde devraient en faire plus que ça.” Ou “Penses-tu que Sarah Sjostrom fait moins que cela ? Tu dois te pousser encore plus.” »

Bien que le temps de MacNeil lui donne un certain avantage sur la sélection canadienne pour Tokyo 2020, elle ne tient rien pour acquis avec d’autres nageuses de papillon de talent comme Rebecca Smith et la médaillée d’argent olympique Penny Oleksiak et d’autres jeunes recrues qui tenteront aussi d’obtenir une place sur l’équipe.

« Tous mes amis qui ne sont pas des nageurs me disent : oh, mon Dieu, tu vas aller aux Olympiques ! » et je réponds « Non, je ne me suis pas encore qualifiée. »