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Être directeur de la haute performance en ces temps incertains – Entrevue avec John Atkinson, DHP

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C’est au début de l’année 2013 que John Atkinson est entré en poste à Natation Canada à titre de directeur de la haute performance et entraineur national. Il a entrepris de continuer le développement des programmes de la haute performance du Canada qui s’est traduit par des résultats à tous les niveaux de championnats et Jeux internationaux. Mais, tout le travail accompli au cours des sept dernières années ne pouvait permettre à personne de prédire ce que l’année 2020 aurait en réserve. La pandémie a forcé le report des Jeux olympiques et paralympiques ainsi que plusieurs autres compétitions nationales et internationales, perturbant complètement le calendrier normal de la haute performance. Nous vous présentons ci-dessous la première partie d’une série d’entrevues accordées par John au sujet de son approche sur la direction des programmes de la haute performance en ces temps incertains.

Q : De quelle façon les plans et les programmes ont-ils impacté la performance depuis votre arrivée à Natation Canada en 2013 ?

R : Il faut du temps pour mettre des plans en œuvre et développer une culture d’équipe qui permettent à tous de se sentir prêts sur le plan individuel au sein d’une équipe qui vise à atteindre le plus haut niveau. Pour Natation Canada, cela a commencé aux Championnats du monde FINA de 2013 à Barcelone et s’est poursuivi tout au long de cette période quadriennale jusqu’aux Jeux olympiques de Rio 2016. D’année en année, nous nous sommes affinés et développés afin d’être prêts pour les Jeux olympiques de Tokyo. Nous ne nous étions toutefois jamais imaginé que nous devrions attendre une année de plus !

Nous avons connu d’excellents Jeux olympiques à Rio, remportant six médailles, y compris la médaille d’or de Penny Oleksiak au 100 m libre, la première du Canada depuis les Jeux de Barcelone en 1992 lorsque Mark Tewksbury avait remporté le 100 m dos. Avec 1976 et 1984, ces Jeux font partie de nos meilleures performances, j’oserais même dire qu’avec le nombre de nations participantes et des programmes de haute performance plus professionnels, il s’agit de notre meilleure performance olympique.

Les efforts mis en place pour Rio se sont poursuivis vers Tokyo grâce à un plan stratégique. Par exemple, l’équipe des Championnats du monde junior FINA 2017 à Indianapolis a réalisé la meilleure performance de notre histoire en remportant 15 médailles, dont sept d’or. Nos relais féminins étaient les meilleurs et ces jeunes femmes ont ensuite pris le départ des relais aux Jeux du Commonwealth et aux Championnats panpacifiques en 2018 puis aux Championnats du monde FINA en 2019. À ces championnats qui avaient lieu en Corée du Sud, Natation Canada a remporté des médailles dans les trois épreuves de relais féminins pour la première fois de son histoire. Cela, en plus de nos résultats individuels, a permis à l’équipe de remporter neuf médailles (dont une en eau libre). Le Canada a pris le quatrième rang au tableau des médailles. Avec pour la première fois deux championnes du monde (Maggie MacNeil au 100 m papillon et Kylie Masse au 100 m dos), la profondeur et la qualité des performances étaient évidentes.

Nos hommes sont encore jeunes et commencent à montrer du progrès. Markus Thormeyer s’est hissé en finale du 200 m dos et nos relais masculins s’améliorent. Les Mondiaux juniors de 2019 (12 médailles, dont deux d’or) se sont révélés prometteurs, les hommes ont connu leur meilleure performance depuis plusieurs années et nos femmes continuent de réaliser de solides performances. Quatre nageurs ont participé aux championnats du monde séniors et juniors, ce fut une superbe expérience pour eux. C’est une stratégie de développement que nous avons mise en place.

Q : Comment avez-vous réussi à favoriser la croissance de cette culture d’équipe et est-ce que cela vous a préparé pour 2020 ?

R : Notre équipe a développé des mots-clés concernant notre façon de travailler et nos réactions face aux choses qui nous arrivent. Ces mots sont : concentré, professionnel, détendu (calme) et flexible. Puis, nous avons ajouté la phrase « pas de cinéma ». Nous parlons aux athlètes et aux membres du personnel de l’équipe (incluant les entraineurs) et leur demandons ce que cela signifie pour eux. Ils doivent penser à ce que ces mots représentent, comment les vivent-ils quotidiennement et comment peuvent-ils les intégrer à chaque équipe dont ils font partie.

Je pense que ça s’est vraiment ancré dans les esprits des membres de notre équipe au cours des derniers mois. Nous avons entendu de la part de plusieurs de nos meilleurs athlètes qu’ils ont dû se montrer flexibles, se concentrer sur ce qu’ils pouvaient contrôler et rester aussi calmes et professionnels que possible.

On ne veut pas se reposer sur nos lauriers, nos nageurs et nos entraineurs ont donc travaillé fort à la préparation des Jeux olympiques de 2020. Ç’a été très difficile de voir nos Essais pour les équipes en piscine et en eau libre être annulés seulement quelques jours avant l’évènement. Nous avions d’abord espoir que les Jeux auraient lieu cette année, puis nous avons commencé à comprendre la situation lorsque le Comité olympique canadien a annoncé que l’équipe canadienne ne prendrait pas part aux Jeux à l’été 2020. Ce fut un autre coup dur, mais j’ai expliqué à tous les nageurs et entraineurs qu’il s’agissait de la bonne décision.

Puis les Jeux ont été repoussés à 2021 et nous avons été soulagés. Le report nous a permis de nous recentrer, nous adapter, de demeurer professionnels et calmes, tout cela, sans faire de cinéma. Notre équipe a été remarquable dans son entrainement, d’abord à la maison, à travers ce qui fut probablement la plus longue période forcée en dehors de l’eau, et plus longue que bien d’autres athlètes des meilleurs pays en natation.

En plus des athlètes et de leurs entraineurs personnels, nous avons une excellente équipe de soutien et d’entraineurs au sein des programmes olympique et paralympique de la haute performance qui trime fort pour permettre aux programmes de poursuive leur progression. Tous font une différence au jour le jour et pour l’avenir. Cela, en plus du soutien du DG du conseil d’administration et des comités variés de Natation Canada, nous permet de faire notre travail et de mettre nos plans en œuvre.

Q : Comment se passe le retour en piscine maintenant que les piscines commencent à rouvrir ?

R : Le retour en piscine est bien entamé, nous nous sommes tous efforcés de demeurer positifs et avant-gardistes en réfléchissant à comment tirer avantage de cette situation pour continuer notre progression. Nos athlètes se sont adaptés. Nos centres d’entrainement à Vancouver (Université de la Colombie-Britannique) et en Ontario (Centre sportif panaméricain de Toronto) sont de retour à l’eau depuis plusieurs semaines. Ce retour modifié s’est passé de manière sécuritaire et responsable. Nos nageurs savent qu’ils ont la responsabilité sociale de faire les choses correctement et de revenir plus fort qu’avant pour se préparer à 2021. Au niveau national, nous préparons différents scénarios et avons un plan A, un plan B et un plan C à l’approche de Tokyo. Le plus important est que nous continuions à être flexibles et à soutenir nos athlètes qui se sont très bien adaptés à la pandémie et à la quarantaine.

Comme sport, nous regardons vers l’avant et sommes conscients des défis auxquels nos clubs, entraineurs et nageurs font face. Le sport fait partie intégrante de nos communautés et du Canada. Il joue un rôle très important et impossible à quantifier au sein de notre société. Alors que les provinces en sont à différents stades de leur plan de déconfinement, il est important que les sports reprennent, à la fois pour des raisons de santé physique et mentale et dans le but de limiter les impacts à long terme sur la santé et le bien-être de tous les résidents canadiens. La clé est de soutenir l’ouverture des établissements. Après 12 à 16 semaines loin des bassins, et plus long encore pour certains nageurs, il est important de retourner à l’entrainement et de planifier une préparation qui sera un peu plus longue qu’à l’habitude et de l’utiliser à notre avantage.