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Entrevue avec Wayne Lomas, DAHP

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Wayne Lomas a commencé à travailler pour Natation Canada en 2018, à titre de directeur associé à la haute performance et d’entraineur national de paranatation. Après avoir connu une année remplie de succès en 2019, couronnée par le titre aux Championnats du monde de paranatation, l’année 2020 s’annonçait encore plus prometteuse pour son équipe. Cependant, les évènements sans précédent qui ont ponctué les derniers mois incluant le report des Jeux olympiques et paralympiques en raison de la pandémie ont tout chamboulé. Voici la première partie d’une discussion en deux volets avec Wayne, axé sur son approche à la tête du programme paralympique, surtout pendant la période d’incertitude actuelle.

Q : Avez-vous tenté de mettre en place une culture d’équipe depuis votre arrivée en poste, en 2018?

R : J’ai eu la chance de prendre les commandes de l’équipe de natation canadienne en 2018, juste après la tenue des Jeux du Commonwealth en Australie. C’était une belle expérience d’arriver au Canada peu après ces Jeux où les nageurs du pays avaient si bien performé. On ressentait l’enthousiasme et les occasions à saisir. Parmi les autres points positifs, il y avait le fait que le programme de haute performance était situé à Montréal, que le personnel était incroyablement dédié et connaissait parfaitement le programme de natation paralympique canadien ainsi que la riche histoire de la paranatation partout au pays. Nous avons augmenté l’implication des entraineurs au niveau universitaire à notre camp et dans notre programme de compétition, ce qui nous a permis d’améliorer rapidement le développement de nos entraineurs, ainsi que leur éducation.

Dans un sport individuel comme la natation, savoir que vous comptez sur l’appui total de vos coéquipiers est inestimable. Ce support doit aller plus loin que de s’asseoir dans les estrades pour encourager, même si cela est aussi important. Il faut que chaque coéquipier se comprenne et se respecte. Je crois que l’excellence est une habitude que nous devons pratiquer et développer. Nous devons croire l’un en l’autre pour passer de la parole aux actes. Nous devons respecter nos différences et les célébrer ensemble.

Au sein de notre équipe, nous parlons et agissons de façon professionnelle. Certaines personnes peuvent dire : « Je suis payé pour faire ceci, alors je dois être professionnel. » Cependant, je dis souvent qu’être rémunéré est l’ultime étape du professionnalisme. Vous êtes payés grâce à ce que vous avez accompli, à votre attitude et votre comportement. Vous mangez bien, vous vous vendez bien, vous vous comportez bien. Le professionnalisme, c’est quand une série d’excellents comportements se manifestent en une excellente performance.

Alors, pour moi, notre culture est ultimement à propos du respect et de l’excellence. Si nous nous démarquons sur ces deux points, cela paraitra dans nos actions et nos performances.

Q : Quels changements voyez-vous après 2020? Y a-t-il des obstacles à surmonter pour faire grandir le programme?

R : Comme équipe, nous avons obtenu de très bons résultats aux Championnats du monde de paranatation de 2019 à Londres et aux Jeux parapanaméricains à Lima. Nous avions un excellent plan en place pour les Jeux de Tokyo et nous profitions d’un bon rythme. Malgré le délai occasionné par la pandémie, rien de tout cela n’a changé. Nous misons toujours sur huit nageurs qui ont remporté des médailles individuelles à Londres, et 25, ou environ, qui ont réussi le temps de qualification (TQO) pour Tokyo.

Alors que nous nous préparons pour les Jeux l’an prochain, nous nous en tenons au plan que nous avions pour Tokyo, tout en le modifiant pour nous assurer que nos nageurs et nos entraineurs reçoivent un bon support financier, technique, émotionnel et social. L’entraineur sénior Vince Mikuska, aidé de notre équipe d’entraineurs composée de Janet Dunn, Michel Bérubé, ainsi que de l’entraineur-chef du Québec et du centre de performance Mike Thompson et de son assistant, Mike Edey, ont joué un rôle exceptionnel pour appuyer nos nageurs et nos employés pendant la pandémie, en demeurant concentrés sur ce qu’ils pouvaient contrôler.

En même temps, nous devons aussi nous concentrer à préparer nos nageurs et nos entraineurs pour les Jeux de Paris 2024. Au cours des prochains 6 à 12 mois, une attention supplémentaire sera accordée à nos programmes de développement, menés par les entraineurs du programme NextGen, Janet Dunn et Michel Bérubé, afin de nous préparer pour la suite des choses.

En tant que sport, le plus grand obstacle auquel nous risquons de faire face en 2021 et après sont les lieux d’entrainement qui risquent de ne pas rouvrir, ou de rouvrir avec une capacité limitée. Cela aura un effet sur le nombre d’enfants qui pourra recommencer la natation ou qui pourra commencer à s’y adonner. C’est un enjeu qui concerne notre sport en général, et pour certains de nos nageurs, l’effet pourrait être encore plus grand. Surtout pour ceux qui ont besoin d’un plus grand soutien pour commencer à nager.

Il est important que nous, comme communauté sportive, continuions de plaider pour une réouverture de nos centres d’entrainement qui soit sécuritaire et complète afin que nos nageurs, actuels et futurs, puissent s’entrainer. Nos piscines doivent être ouvertes pour nos athlètes et pour les prochaines générations. Si elles ne rouvrent pas, ce sera au détriment de la santé de la population. Les gens avec un handicap sont faciles à exclure. Dans certaines régions, nous trouvons présentement des athlètes en paranatation qui doivent réserver leur piscine locale, à des prix ridiculement élevés. Certains centres d’entrainement rendent très difficile l’inclusion des athlètes avec des handicaps. On dit que ce sont pour des raisons de sécurité et d’hygiène, ce qui est certes important. Cependant, il s’agit d’un enjeu primordial pour nos athlètes d’élite, alors je peine à imaginer ce que c’est pour de jeunes enfants qui ont les mêmes difficultés.

Un autre changement que je constate est que la professionnalisation accrue des parasports se poursuit. Les Jeux paralympiques de Londres en 2012 ont démontré à quel point ces athlètes faisaient partie de l’élite, et depuis, on a vu plusieurs sportifs continuer à exceller. De plus en plus de nations reconnaissent le rôle important que jouent les sports paralympiques dans une société dynamique et en santé. Les gouvernements s’impliquent de plus en plus auprès des athlètes paralympiques, et grâce aussi à l’investissement corporatif, ils sont de plus en plus nombreux à pouvoir vivre de leur sport. Cela représente une merveilleuse occasion pour nous, les gardiens du sport. Ces possibilités sont aussi accompagnées de grandes responsabilités. Nous devons continuer à élaborer et à livrer des programmes de classe mondiale afin d’aider les athlètes et les entraineurs à réaliser leurs rêves. Comme leader de notre système, j’ai pour responsabilité de m’assurer que nous ayons une stratégie, les ressources et la structure afin de profiter de cet important changement et de saisir cette occasion.

Q : Pourquoi le film de Netflix Rising Phoenix (trad. Comme des phénix : l’aventure paralympique) est-il plus important que jamais? Y a-t-il un élément qui vous a particulièrement marqué?

R : Premièrement, je veux à la fois féliciter et remercier les gens qui ont permis de réaliser cet incroyable film. Non seulement les 10 athlètes qui y ont participé, mais les milliers d’athlètes paralympiques qui, dans les 60 dernières années, soit depuis que le mouvement a été lancé, ont rendu ce film possible.

Dans un film qui comporte tant de moments forts, l’un des aspects plus frappants est la ténacité dont les athlètes ont fait preuve pour atteindre leurs buts, démontrée par les administrateurs et les parties impliquées. De voir que les Jeux paralympiques de 1980, prévus à Moscou, n’ont pas été disputés à Moscou, mais bien aux Pays-Bas témoigne du fait que la résilience fait partie de l’ADN du mouvement paralympique. Avec l’incertitude qui entoure Tokyo, ce film prouve que le spectacle va continuer, peu importe ce qui arrive.

Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous sommes confrontés au défi d’assurer à nos athlètes un accès juste et équitable à leurs lieux d’entrainement. Ces athlètes paralympiques que l’on voit atteindre un niveau d’élite démontrent à notre communauté que nos membres doivent avoir un accès égal aux installations, maintenant plus que jamais. Le moment de la sortie du film est idéal, car le mouvement paralympique revient ainsi dans l’œil du public.