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Maître de discipline et innovateur, Don Talbot a transformé la natation canadienne

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par Jim Morris

Quand le nageur olympique à la retraite Bill Sawchuk a appris le décès la semaine dernière de son ancien entraineur Don Talbot, il a contacté des amis et d’anciens coéquipiers par texto.

Les réactions que ses messages ont suscitées ont varié.

« Certaines personnes étaient très, très tristes, raconte Sawchuk. D’autres ont dit qu’elles avaient beaucoup appris de lui. »

Talbot est décédé mardi en Australie, son pays d’origine, à l’âge de 87 ans. Membre du Temple de la renommée internationale de la natation qui a fait de l’Australie une véritable puissance du sport, Talbot a aussi été entraineur pendant quelques années au Canada où sa vision et sa ténacité ont contribué à transporter les nageurs et entraineurs canadiens sur la scène internationale.

« L’influence de Don Talbot sur les entraineurs et sur le travail d’entraineur, et cela, au sein de plusieurs fédérations nationales, ne peut pas être surestimée, estime John Atkinson, directeur de la haute performance et entraineur national à Natation Canada. Il a probablement eu plus d’effet que quiconque sur la façon de fonctionner de chaque équipe de natation dans le monde de nos jours. »

« Il y a tant de choses aujourd’hui dans le monde de la natation qui découlent de l’influence de Don Talbot. Nos pensées accompagnent sa famille dans la période actuelle. »

L’ancien entraineur-chef de l’équipe nationale Dave Johnson a qualifié Talbot « d’un des meilleurs entraineurs d’équipe aux Grands Jeux de l’histoire de la natation », qui a transformé comment les entraineurs et les athlètes se préparent pour les compétitions.

« Il a en quelque sorte instauré une structure claire et réfléchie dans le modèle de préparation, raconte Johnson qui a rencontré Talbot pour la première fois aux Jeux du Commonwealth de 1974 à Christchurch en Nouvelle-Zélande. « Sans l’ombre d’un doute, il était un homme disciplinaire et pour lui, tout était à propos de maximiser les possibilités pour les athlètes afin qu’ils soient prêts à gagner. Il nous amenait à nous concentrer sur divers aspects de la préparation qui étaient nécessaires d’adopter si nous désirions vraiment prendre notre sport au sérieux. »

« Cette approche s’est transférée dans le travail des entraineurs alors que nous sommes entrés dans une époque où nous utilisions la science du sport et les stratégies structurées de préparation axées sur les tactiques de courses et les compétences mentales en natation de haute performance. »

Talbot est né à Barnsley dans l’état australien de la Nouvelle-Galles du Sud et il a entrepris son parcours d’entraineur en 1956. Il a été entraineur-chef de l’équipe masculine d’Australie de 1964 à 1972 où il a conduit ses athlètes à remporter 14 médailles à trois Jeux olympiques.

Après les Jeux de Munich, Talbot a déménagé à Thunder Bay en Ontario pour étudier en psychologie à l’Université Lakehead. Il est devenu entraineur du nouveau club de natation Thunderbolts et en quelques années, des nageurs de ce petit club faisaient tourner des têtes sur la scène internationale.

Les Thunderbolts ont envoyé huit nageurs aux Jeux olympiques de Montréal en 1976, notamment Sawchuk, Andy Ritchie et Joanne Baker. D’autres nageurs se sont entrainés avec les Thunderbolts, notamment Graham et Becky Smith.

Talbot était l’entraineur-chef de l’équipe canadienne de natation aux Jeux olympiques de 1976 et aux Jeux du Commonwealth de 1974, puis de 1978 à Edmonton.

Il a passé deux années comme entraineur-chef du club de natation de Nashville aux États-Unis, il a dirigé la future membre du temple de la renommée Tracy Caulkins, avant de retourner en Australie où il est devenu le premier directeur du nouvel Institut australien du sport.

Talbot est revenu au Canada en 1983 où il a été embauché par la Fédération de natation du Québec. Il est devenu entraineur-chef de Natation Canada après les Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, mais ils se sont séparés quelques mois avant les Jeux olympiques de 1988 à la suite d’un différend sur une question de critères de qualification.

En 1989, Talbot s’est retrouvé à la tête de l’équipe nationale de l’Australie, un rôle qu’il a occupé pendant 12 ans.

Talbot a été louangé comme un tacticien et un innovateur brillant. Ses nageurs se souviennent aussi de lui comme un homme exigeant, un maître de corvées et une personne stricte en matière de discipline.

« Il savait vous garder sur le bout des orteils », rappelle Sawchuk, qui s’est aussi qualifié pour les Jeux de Moscou en 1980, que le Canada a boycottés. « On avait les papillons dans le ventre en se rendant à l’entrainement parce qu’on savait que chaque séance avait le potentiel d’être pire qu’une compétition de natation. »

Talbot « n’a jamais été un ami, mais il était mon entraineur, indique Sawchuk. Je le haïssais et je l’aimais à la fois chaque jour, et souvent la même journée. »

Médaillée d’argent aux Jeux de Montréal, Cheryl Gibson n’a jamais été dirigée par Talbot, mais elle se souvient de comment il a préparé l’équipe olympique.

« Je sais auprès d’autres personnes qui nageaient pour lui qu’il était très exigeant, très ferme et impliqué », raconte Gibson, présidente du conseil d’administration de Natation Canada. Je me souviens de le voir pointant du doigt. Tu ne pouvais pas passer à côté de son message.

« Je ne le qualifierais pas d’entraineur chaleureux et charmant. Je crois que pour ceux qui ont nagé pour lui, il y avait un certain facteur de crainte et c’est en partie ce qui les a motivés à faire ce qu’il exigeait d’eux. »

Ken McKinnon était un jeune entraineur au club de natation de Pointe-Claire quand il a rencontré Talbot pour la première fois.

« J’utilise encore quotidiennement les principes que j’ai appris pendant cette période quand je discute avec des entraineurs », affirme McKinnon, entraineur national de développement à Natation Canada.

Talbot avait la capacité de prendre des stratégies complexes et de les simplifier.

« Il était très vif d’esprit, ajoute McKinnon. Il pouvait voir clairement des choses qui échappaient aux autres et il arrivait à les simplifier. »

Johnson raconte que Talbot arrivait à voir le potentiel chez des nageurs qui échappait parfois à d’autres entraineurs.

« Il pouvait travailler avec des nageurs qui étaient en périphérie de leur préparation pour une performance aux Jeux olympiques et en très peu de temps, il les amenait à se concentrer sur la façon d’optimiser leurs performances et d’intégrer dans leurs convictions qu’ils pouvaient l’emporter à ce niveau », dit-il.

Gibson indique que Talbot a transposé sa passion pour le succès au niveau administratif.

« Il arrivait toujours à parler avec passion de ce qu’il croyait vraiment comme étant nécessaire pour réaliser les résultats que tout le monde visait, dit-elle. Sa connaissance de la natation et de ce qui était nécessaire dans l’atteinte d’objectifs était ses plus grandes forces. »

L’entrain de Talbot à vouloir réussir était en avance sur son temps. Il a fait campagne pour des critères de qualification plus élevés et il s’est concentré sur les performances permettant de monter sur le podium bien avant le développement de programmes comme À nous le podium.

« Il était bien en avance à ce sujet, affirme Sawchuk. Il a révolutionné la natation canadienne quand il est venu ici.

« Pour reprendre ses mots, les Canadiens voulaient aller aux Jeux olympiques pour être en mesure de dire qu’ils ont participé aux Jeux olympiques. Vous devez plutôt aller aux Jeux olympiques pour gagner une médaille et la médaille que vous devriez remporter est la médaille d’or. Ce n’est pas toujours faisable, mais cette approche devrait toujours être celle adoptée. »