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Célébration du Mois de l’histoire des Noirs : Rencontrez Debbie Armstead, première nageuse noire de l’équipe nationale du Canada

Articles de fond –

En l’honneur du Mois de l’histoire des Noirs, Natation Canada prend le temps de célébrer les contributions et les réalisations des nageurs et des entraineurs noirs canadiens dans notre communauté.

Debbie Armstead, originaire de Calgary, pourrait être appelée la Jackie Robinson ou la Willie O’Ree de la natation canadienne. Elle a été la première nageuse noire canadienne à se qualifier pour les Jeux olympiques et a fait partie de l’équipe de 1980 qui n’a finalement pas participé à la compétition en raison du boycott. Deux ans plus tard, elle a réalisé son rêve de représenter le Canada sur la scène internationale lors des Championnats du monde de la FINA en 1982 à Guayaquil, en Équateur. Armstead (aujourd’hui connue sous le nom de Debbie Grant) a ensuite entrepris une carrière d’entraineure qui a duré 25 ans.

L’athlète féminine de l’année 1980-81 de l’université de Calgary et nageuse universitaire nationale de l’année est passée d’athlète à entraineure en 1983. Elle a ensuite été l’entraineure-chef des Goldfins de Saskatoon en, avant de passer au club aquatique de Windsor, où elle a travaillé pendant neuf ans avant de prendre sa retraite en 2019.

Bien qu’elle se soit retirée du sport, Grant vit toujours à Windsor et reste en contact avec ses anciens coéquipiers et nageurs. Elle a d’ailleurs aidé certains de ses nageurs à atteindre des équipes nationales et à obtenir des bourses.

« Je pense que c’est un lien que nous ne perdrons jamais », dit-elle.

Comment avez-vous commencé à nager?

Je me suis mise à la natation parce que mon frère aîné Brian a commencé le premier. Je faisais du patinage artistique, mais je voulais être avec mon frère. Il était le détenteur d’un record national groupe d’âge au papillon. J’ai commencé à l’âge de 10 ans et demi, mais je n’étais pas une bonne nageuse au début. J’étais horrible. Mais ils m’ont gardé en raison de mon frère. Mais une fois que j’ai compris, j’ai commencé à gravir les échelons dans le club de natation. À 11 ans, j’avais fait les provinciaux, puis j’ai fait mes premiers nationaux à 12 ans et j’ai en quelque sorte décollé lors des nationaux de l’été 1974.

Quels sont vos souvenirs de l’équipe olympique de 1980?

J’avais fait partie d’équipes nationales lors de rencontres en duel en Allemagne, à Cuba, en Californie et à Austin, au Texas. C’est là que j’ai fait ma véritable percée en finale après avoir battu Wendy Quirk aux championnats nationaux en 1978.

(Le boycott) est toujours un point sensible. La politique doit toujours faire quelque chose pour interférer avec les gens qui n’ont rien à voir avec elle. Tous les pays qui ont été victime du boycott se sont réunis à Hawaï et au Japon cette année-là et ont organisé des mini Jeux olympiques, si l’on peut appeler cela ainsi.

C’était amusant parce que nous traversions tous la même chose, la déception de, jusqu’à la toute dernière heure, on nous a dit que nous y allions, puis finalement, on nous a dit que nous n’irions pas.

L’équipe a été honorée lors des Essais olympiques et paralympiques de 2012. Comment était-ce d’être honorée à la piscine olympique de Montréal?

C’était incroyable. C’était un honneur parce qu’ils nous ont fait défiler, nous étions là pour l’annonce de l’équipe et ils nous ont rendu hommage. Il y a eu un moment de silence parce que c’est ce que nos athlètes ont vécu en 1980 en n’allant pas aux Jeux olympiques. Le silence s’est installé et tout le monde a eu des frissons. C’était incroyable, et c’était bon de voir que 95 % de notre équipe olympique était là, alors j’ai vraiment apprécié.

Deux ans plus tard, vous avez représenté le Canada aux Championnats du monde de la FINA à Guayaquil, en Équateur. Comment s’est déroulée cette expérience?

Cela n’a pas compensé (le fait d’avoir manqué les Jeux olympiques), mais c’était une très bonne expérience. Voir Victor Davis battre le record du monde et de faire partie de l’équipe avec d’autres nageurs comme Anne Ottenbrite, nous avions et nous avons toujours de si bonnes amitiés avec nos coéquipiers nationaux et olympiques. Nous avons vécu le défilé, les cérémonies de clôture, nous avons pu en faire partie, c’était incroyable. En Équateur, c’était en extérieur et probablement que la moitié de l’équipe n’avait jamais vu de soldats avec des mitrailleuses, ils étaient là quand nous nous échauffions. C’était un type d’atmosphère différent, mais c’était incroyable.

Avez-vous été confrontée à des frustrations ou à des obstacles dans la pratique de ce sport?

Pas vraiment. Nous savions que c’était là, surtout quand j’ai voyagé aux États-Unis, nous savions qu’il y avait du racisme. Mais on ne s’est pas moqué de nous. Mes coéquipiers étaient super, ils disaient que c’était juste moi, juste Debbie. Mais nous étions très peu nombreux. Parfois, mes cousins venaient à la piscine et tout le monde savait pour qui ils étaient là. Il y avait 30 personnes qui venaient me voir à une compétition de natation à Edmonton et les gens savaient que c’était la famille Armstead.

Maintenant, mon fils joue au basket et en Ontario, notre équipe est une équipe multiculturelle. Nous avons dans cette équipe des Asiatiques, des Noirs, des Blancs, des Arabes, toutes les races auxquelles vous pouvez penser. C’était la première fois que je voyais ça, l’autre équipe ne voulait pas serrer la main des enfants parce qu’ils étaient noirs. C’est quelque chose que je ne tolère pas. Mes parents m’ont élevé de manière à faire la bonne chose, et si vous êtes victime de racisme, vous le frappez en plein sur la tête.

À la piscine, nous étions les seuls noirs, mais nous nous sommes simplement fondus dans la masse. Je ne peux pas dire que nous ayons rencontré un quelconque type de racisme dont nous étions conscients. Mes parents l’ont peut-être vécu, mais ce n’est pas notre cas.

Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’avoir été la première nageuse noire de l’équipe nationale?

Je pense que je n’ai pas été assez reconnue dans ma propre ville ou province. Je crois que j’ai été la première nageuse noire à l’université de Calgary, et j’ai été l’athlète féminine de l’année. En Alberta, je ne suis toujours pas au Temple de la renommée des sports. J’ai fait l’équipe olympique, les championnats du monde, je me suis entrainée en Alberta dans l’équipe avec Mark Tewksbury, Tom Ponting. Qu’est-ce que je dois faire ? Pour moi, c’est juste une insulte.

Être reconnue par Natation Canada est extraordinaire. Je suis honorée et je parlais à ma mère de l’entrevue. Je suis très fière. Je porte ma bague olympique et les gens me disent : « Tu es noire, tes deux parents sont-ils noirs ? » « Oui, ils le sont. » On m’a posé ces questions. Ils sont plus sous le choc. À mesure que le sport se développe, nous voyons les résultats de plus en plus de gens. Il y a (la spécialiste de la brasse Jamaïcaine et médaillées internationales) Alia Atkinson. Je l’ai rencontrée à Windsor lors des Championnats du monde de 2016. Mes nageurs disaient : « Tu es allée droit vers elle ! » Eh bien, elle est noire, donc cette avenue s’ouvre tout de suite.

Avez-vous des devises ou des citations préférées?

J’avais toujours l’habitude d’écrire « Go for 1t » avec un « 1 » et « No limits ». Il n’y a pas de limites. Une chose que nous avions l’habitude d’entendre est que vous ne trouverez pas beaucoup de nageurs noirs parce qu’ils ne peuvent pas flotter. Je me disais : « Quoi ? » Nous avions l’habitude d’entendre ce mythe. Il n’y a pas de limites. Je ne laisse jamais personne me dire ce que je ne peux pas faire. Étant noire et ayant grandi dans le monde de la natation, chaque fois que je voyais quelqu’un de couleur, j’étais attirée par lui parce que nous n’étions pas beaucoup. Qui sont vos parents n’a rien à voir avec vos réalisations. Ma mère et mon père ne nagent pas, mais mon frère et moi oui. D’où est-ce que cela vient ? Je ne crois pas qu’il faille que ton père fasse 1,80 m pour que tu sois un sprinter. Pas nécessairement. Je ne pose pas de limites.

Une autre chose que j’avais l’habitude de dire est : « Ne laissez jamais la natation être une excuse pour l’école, ou l’école être une excuse pour la natation ». Il faut gérer son temps. Parfois, sur le chemin de la piscine, vous pouvez étudier. Il y a du temps pour ça.

J’essayais toujours de faire en sorte que tous mes nageurs connaissent l’histoire. Si vous êtes un spécialiste du papillon ou du 1500 m libre, vous devez savoir qui est le détenteur du record pour votre groupe d’âge au Canada. Vous devez connaître votre histoire et connaître votre histoire canadienne.

Note : L’entretien a été édité pour des besoins de longueur et de clarté