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Routliffe prête à effectuer un retour remarquable à Madère 2022

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Parmi les traits de caractère qui définissent Tess Routliffe, sa détermination farouche et son grand sens de l’humour ressortent du lot.

La vedette de l’équipe canadienne de paranatation en a eu bien besoin au cours de la dernière année alors qu’elle se remettait d’une blessure dévastatrice qui a d’abord anéanti son dos, puis ensuite son rêve.

Cette mésaventure a coûté à la médaillée d’argent de Rio 2016 sa deuxième participation aux Jeux paralympiques l’été dernier.

Heureusement, cependant, l’imprévu n’a pas mis fin prématurément à sa brillante carrière, et suite à un rétablissement remarquable, elle sera l’un des 32 athlètes canadiens qui participeront aux Championnats du monde de paranatation 2022 du 12 au 18 juin à Madère, au Portugal.

« Je me reposais après une série de tractions à la barre fixe, je prenais simplement ma pause, et soudainement, je me suis retrouvée au sol, en quelque sorte. »

C’est ainsi que Routliffe évoque son accident de juin 2021, deux mois seulement avant le début des Jeux de Tokyo.

Elle était à la salle d’entrainement à Montréal en vue d’une compétition de la Série mondiale de paranatation, lorsqu’une barre avec des poids lui est tombée dessus.

« Ce qui est ironique, c’est que la veille, j’étais assise avec une coéquipière, et je lui disais à quel point j’étais prête à concourir. J’avais juste besoin d’un couloir et d’une vraie piscine, avec un vrai chrono et de vraies personnes nageant à mes côtés », explique la nageuse de 23 ans originaire de Caledon, en Ontario, qui s’est jointe à l’entraineur Mike Thompson au Centre de haute performance – Québec il y a six ans. « Parce que tout ce que nous avions fait pendant plus d’un an, c’était nous entrainer, à cause de la COVID.

« Le jour de mon accident était le jour de mon vol pour me rendre à Berlin et enfin concourir.

« L’autre élément ironique, c’est que les gens disent que je suis un peu obsédée par le gym. L’endroit où je me sens le mieux, c’est le gym. Cette séance d’entrainement était facultative car nous avions un vol ce jour-là. Mais je me disais « Bien sûr que je vais y aller. » Le mot facultatif ne fait pas partie de mon vocabulaire quand il s’agit du gym. »

La décision de se retirer officiellement de l’équipe canadienne à destination de Tokyo, prise quelques semaines plus tard, fut déchirante.

« J’étais prête pour Tokyo », déclare Routliffe, triple médaillée des championnats du monde de Londres 2019. « Quand j’ai commencé ma carrière, Rio allait être mes premiers Jeux, prendre de l’expérience, vous savez, mais dès le début, Tokyo allait être mon moment de gloire, ça allait être mes Jeux paralympiques.

« Nous venions d’avoir une très bonne année d’entrainement, car c’est tout ce que nous pouvions faire, et la vie s’alignait sur mon objectif. Avant que tout déraille. »

Son mentor était tout aussi dévasté.

« Ce fut une décision vraiment difficile, une décision très émotive », a déclaré Thompson. « Elle a essayé de reprendre l’entrainement dans l’eau, mais c’était très douloureux. Sa technique n’était pas à point, le timing n’était pas à point. À ce stade, nous savions qu’il n’était tout simplement pas possible qu’elle ait du succès aux Jeux. »

Au moment où les Jeux ont débuté en août dernier, Routliffe avait accepté son sort, mais elle est tout de même passée par une vaste gamme d’émotions au cours de la compétition de natation d’une durée de 10 jours.

« Je m’étais préparée à ce que regarder les Jeux soit extrêmement difficile, donc, en fin de compte, ce fut un peu moins pire que prévu. Plusieurs de mes amis les plus proches font partie de l’équipe. Leurs objectifs n’avaient pas changé et je voulais toujours les soutenir, donc, honnêtement, ce fut assez facile de les regarder.

« Les épreuves les plus difficiles à regarder furent les miennes, celles auxquelles je devais participer. Je les ai en quelque sorte mises en arrière-plan. Je ne pouvais pas regarder trop attentivement parce que celles-là me faisaient mal. »

Après Tokyo, Routliffe n’avait qu’une idée en tête : Madère 2022.

« Dès que j’ai repris l’entrainement dans l’eau après Tokyo, j’intégrais tous les éléments petit à petit et je pensais aux Mondiaux. La seule façon de me remettre de Tokyo, émotionnellement, est de savoir que je peux retrouver les sentiments que j’aime, comme la compétition.

« Mais honnêtement, jusqu’aux Essais à Victoria, je ne savais pas si j’allais pouvoir revenir à mon niveau. »

L’athlète S7 a obtenu la réponse à sa question aux Essais canadiens de natation Bell en avril, elle qui s’est qualifiée pour les championnats du monde au 100 m brasse, au 50 papillon et au 200 quatre nages.

« Les Essais ont été très émotifs pour moi car il y a cinq mois, je me disais, qu’est-ce qui est réaliste? Être à cinq ou six secondes de ton meilleur temps jusqu’à ce que tes vis soient retirées? C’est peut-être le mieux que nous puissions faire », déclare Thompson.

« Lors de son 100 brasse le premier jour des Essais, je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre. En soirée, elle était seulement à une seconde et demie de son record personnel établi à Londres 2019. C’était vraiment émouvant pour moi parce que non seulement elle était de retour au niveau où elle devrait être, ou près de ce niveau, mais nous avions parcouru ce long chemin rempli de rebondissements inattendus et nous y voilà, nous avions fait ce que nous avions dit que nous allions faire, nous l’avions fait comme nous voulions le faire. Il a fallu beaucoup d’experts, beaucoup de gens, beaucoup d’aide médicale, mais nous l’avons ramenée là où elle devrait être. »

Lorsqu’on lui a demandé à quel point il était fier du retour de sa protégée, sur une échelle de 1 à 10, Thompson n’a pas hésité.

« 45! Je n’ai jamais pensé, ne serait-ce qu’un instant, qu’elle ne reviendrait pas.

« Tess est un être humain très déterminé. Elle a ce petit quelque chose. C’est une vraie compétitrice. Elle voulait prouver qu’elle pouvait revenir suite à cette blessure et qu’elle pouvait être meilleure que jamais, et être en mesure de dire « Je peux encore te battre, parce que je suis bonne ». C’est le type de confiance en elle qu’elle a. »

L’une des choses que Routliffe attend avec le plus d’impatience au Portugal est le sentiment d’être à nouveau membre à part entière d’Équipe Canada.

« Je pense que cela va me frapper aux Mondiaux. Juste le fait de retrouver cette ambiance, d’être avec les gens, de concourir à nouveau, de concourir avec Aurélie (Rivard), ce que nous n’avons pas pu faire à Tokyo. Les Essais, c’était plutôt « C’est bien d’être de retour. » »

Quant aux Jeux Paralympiques, Routliffe pourrait-elle être tentée de prolonger sa carrière compétitive après Paris 2024 afin de rattraper le temps perdu?

« LA 2028… je ne peux pas dire que je n’y pense pas », dit-elle en riant. « C’est définitivement dans ma tête. J’y pense définitivement un peu plus. C’est passé, en quelque sorte, de « Je ne me vois vraiment pas continuer jusqu’à LA » à « Je peux certainement me voir continuer ». Mais rien n’est certain. Vous ne savez jamais ce que la vie vous réserve, n’est-ce pas? »