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Elaine Tanner : une pionnière de la natation se livre 53 ans après les Jeux de 1968

Articles de fond –

par Jim Morris

Quand Elaine Tanner regarde par la fenêtre de sa maison à Niagara-on-the-Lake, en Ontario, elle ne voit ni la neige ni le froid. Elle voit plutôt une carte postale sur laquelle des écureuils se nourrissent et des cardinaux se posent dans un arbre.

« Je n’ai jamais quitté l’enfance dans mon imagination », raconte la gagnante de trois médailles olympiques qui est aussi auteur et ardente défenseure de la santé mentale. « Je vis constamment avec ce sentiment d’émerveillement. Je suppose que c’est pour cela que je suis ouverte au changement, à l’apprentissage et à la croissance. »

Tanner est une des meilleures nageuses canadiennes de l’histoire et sa vision du monde a été forgée par des épreuves qui ont menacé de la détruire, mais qui n’ont fait que la rendre plus forte. Elle a émergé des ténèbres pour trouver la lumière et le bonheur.

« Il n’y a pas de moment parfait dans une vie », dit-elle. « Il n’y a qu’un moment à la fois, il n’y a que le moment présent. »

« À travers des épreuves, des tribulations et de nombreuses erreurs, j’ai appris que le bonheur que je vais expérimenter est le résultat de ma manière de penser dans le moment que je vis. Les circonstances qui m’entourent sont peut-être hors de mon contrôle. Il faut les relâcher. Vous ne pouvez pas vous y accrocher parce qu’elles vous feront descendre dans un trou dont vous ne sortirez jamais. »

Tanner fête aujourd’hui son 70e anniversaire. Pour elle, l’âge n’a aucune importance. Ce qui compte, ce sont les leçons apprises au cours de sa vie.

« L’âge ne signifie vraiment pas grand-chose », explique-t-elle. « C’est simplement des chiffres qu’on associe à votre personne. »

« J’ai acquis tant de sagesse au cours de ces épreuves. Ce fut très graduel. Je n’ai pas eu d’épiphanies dans ma vie. Il m’a fallu des décennies pour retourner les pierres de ma vie et les transformer en tremplins plutôt qu’en blocs. J’ai fait cela une pierre à la fois et tout d’un coup, j’ai regardé en arrière pour réaliser tout le chemin parcouru. »

Tanner espère partager les leçons de vie qu’elle a apprises grâce au livre pour enfants qu’elle a écrit, intitulé Monkey Guy and the Cosmic Fairy.

Ce livre a été écrit pour les trois petits-enfants de Tanner, mais il contient un message que les adultes apprécieront. L’histoire traite de « la bonté et de l’amour » et « elle contient de nombreuses leçons de vie ».

Tanner a donné des milliers d’exemplaires du livre aux hôpitaux pour enfants, aux organismes à Noël, aux autorités sanitaires et, récemment, au personnel infirmier et aux premiers intervenants qui combattent la COVID-19.

« Ma récompense vient de la réponse que je reçois des personnes qui sont heureuses et reconnaissantes », explique-t-elle. « Il y a des choses bien plus importantes dans la vie que le dollar tout-puissant. Quand nous réaliserons cela, ce monde sera différent. »

Surnommée « Mighty Mouse » en raison de sa stature de 1,80 mètre, Tanner n’avait que 17 ans quand elle a réalisé un exploit qu’aucune autre femme canadienne n’avait fait auparavant en remportant une médaille d’argent au 100 mètres dos aux Jeux olympiques de 1968 à Mexico. Elle a également terminé deuxième au 200 mètres dos et a fait partie de l’équipe de relais 4×100 mètres style libre qui a remporté la médaille de bronze.

Bien qu’elle ait été la première Canadienne à remporter trois médailles et la première Canadienne à gagner une médaille en natation depuis 1928, certains ont estimé que Tanner avait échoué parce qu’elle n’avait pas remporté l’or.

Elle a pris sa retraite de la natation à l’âge de 18 ans et sa vie s’est mise à dégringoler par la suite. Tanner a lutté contre la maladie mentale, a souffert de dépression, d’anxiété, de crises de panique et a lutté contre l’anorexie.

En regardant au passé, Tanner croit qu’elle souffrait d’un trouble de stress post-traumatique.

« Dans les années 60, nous ne savions pas ce qu’était un post-traumatisme », raconte-t-elle.

« Je n’avais pas de repères. Je n’avais aucune idée de ce à quoi je faisais face. J’avais peur, je ne savais pas qui j’étais, je ne savais pas ce qui se passait dans mon cerveau. J’avais la même apparence, mais je ne ressentais pas la même chose. »

En 1988, elle dormait dans sa voiture à Vancouver et elle pensait au suicide. C’est à cette époque qu’elle a rencontré son futur mari, John Watt.

« Nous étions destinés à nous rencontrer, affirme-t-elle. Je l’appelle mon chevalier à l’armure rouillée. Il m’a sauvé, mais il avait son propre passé aussi. Nous avons fait un voyage spirituel formidable. Je n’aurais jamais pu le faire sans lui. »

Le fait d’avoir vécu des moments sombres dans le passé aide Tanner à faire face à la vie en cette période de pandémie.

« Il n’y a aucune garantie pour demain pour personne, surtout (avec) la COVID, mais je n’ai pas de pensées négatives, relate-t-elle. Aujourd’hui, c’est le seul jour auquel je peux penser et que je peux contrôler. J’ai choisi d’être satisfaite, d’être heureuse et de profiter au maximum des moments que je vis. »

Tanner et Watt partagent leur temps entre l’Ontario et la Colombie-Britannique. Double lauréate du prix Lou Marsh, membre de l’Ordre du Canada et membre du Panthéon des sports canadiens, du Panthéon aquatique international, du Temple de la renommée olympique du Canada et du Cercle d’excellence de Natation Canada, Tanner est fière de son héritage.

« J’étais une pionnière, déclare-t-elle. Je suis devenue très fière de cette fille qui était nageuse. »

« Je suis très fière de la manière dont elle est devenue une pionnière et a contribué à inspirer d’autres nageurs. Tous les excellents nageurs que nous avons aujourd’hui, j’ai le sentiment d’en faire partie. Je fais partie de ces traces qui ont en quelque sorte pavé la voie. »

À 70 ans, Elaine Tanner sait aussi ce qu’elle dirait à la jeune Elaine Tanner de 17 ans.

« Aie confiance en toi, dit-elle. Crois en toi. Tu es bien plus qu’un enfant sur les blocs de départ. Ta vie va être remplie d’autres choses. Tu as encore beaucoup de chapitres à écrire, alors ne t’accroche pas à ça. »

« Je lui ferais un gros câlin. »