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Le sinueux parcours de Kisser jusqu’aux Jeux paralympiques

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La route menant aux Jeux paralympiques a été longue et sinueuse pour Danielle Kisser.

Membre de l’équipe des Jeux parapanaméricains de 2011 à l’âge de 14 ans, la native de Delta, en Colombie-Britannique, a raté un certain nombre de grands rendez-vous internationaux au cours des années suivantes – notamment Toronto 2015, Rio 2016 et deux éditions des championnats du monde – en raison d’une intervention chirurgicale, de nombreuses blessures et d’autres circonstances qui étaient souvent hors de son contrôle.

Aujourd’hui, à 24 ans, Kisser a enfin réalisé son rêve de devenir paralympienne. Elle sera l’un des 19 nageurs canadiens en action du 25 août au 3 septembre au Centre aquatique de Tokyo.

« Je ne le réalise pas encore complètement. Cela semble toujours surréaliste », avoue Kisser, qui participera au 100 m brasse SB6 le 28 août. « Cela me fait encore pleurer quand j’y pense parce que c’est quelque chose dont je rêvais depuis 13 ans, depuis que j’’ai commencé à nager. »

Il y a quelques semaines encore, Kisser semblait destinée à assister à une autre grande compétition depuis les lignes de côté.

D’abord écartée de l’équipe de Tokyo, elle a été ajoutée à la formation à la fin juillet lorsque Tess Routliffe, médaillée d’argent de Rio et l’une de ses coéquipières au Centre de haute performance – Québec à Montréal, a été forcée de se retirer en raison d’une blessure. Routliffe étant l’une de ses amies les plus proches, Kisser n’a pu s’empêcher d’avoir des sentiments partagés lors de l’annonce de sa sélection.

« Vous ne voulez jamais que ces choses arrivent, surtout quand il s’agit de l’une de vos meilleures amies. Nous nous côtoyons chaque jour, nous discutons chaque jour. C’est juste vraiment triste. »

Mike Thompson, qui entraîne les deux nageuses au CHP-Québec, explique qu’une conversation entre les deux amies a aidé Kisser à « sentir que c’était correct de se sentir heureuse de sa sélection ».

« Quand Tess a décidé qu’elle ne pouvait pas participer, elle s’est assise avec Dee et lui a dit quelque chose du genre “Écoute, je ne vais pas y aller. À toi de jouer, mais je m’attends à ce que tu prennes cela au sérieux et que tu donnes le meilleur de toi-même”. Et Dee a dit “Oui, absolument. Je vais honorer ton souhait”.

Kisser a fait les manchettes en 2020 pendant la pandémie de COVID-19 quand elle a décrit via son réseau YouTube comment elle a construit sa propre piscine dans sa cour arrière en Colombie-Britannique afin de pouvoir continuer de s’entraîner. Elle a ensuite été la toute première lauréate du « Prix du choix du public pour le moment le plus viral de l’année » lors des Prix sportifs canadiens 2020.

Son entraînement pendant la pandémie se passait tellement bien, en fait, que cela a été encore plus difficile lorsqu’elle a appris qu’elle n’avait pas été retenue en vue des Jeux de Tokyo.

« Cette année pandémique a été l’une de mes meilleures années d’entraînement à vie, en raison de l’entraînement ininterrompu et de l’absence de déplacements. Mon entraînement se passait vraiment bien », dit l’étudiante en linguistique et en théologie à l’Université Concordia. « Et puis, l’annulation des Essais n’a pas été très bénéfique pour moi au niveau de mes performances, et les choses ont commencé à tourner en vrille. »

Thompson était lui aussi très déçu pour sa protégée lorsqu’elle n’a pas atteint le standard requis « quand il semblait vraiment que cela allait arriver ».

« La première chose à laquelle j’ai pensé lorsqu’il est apparu évident que Tess ne serait pas en mesure d’aller aux Jeux fut comment pouvons-nous ajouter Dee à l’équipe. Elle n’a pas atteint le standard, mais elle était la nageuse la plus proche.

« Je l’ai appelée tout de suite et je lui ai dit « Il y a une possibilité qui s’offre à toi. C’est l’occasion pour toi de revenir et de terminer la saison avec détermination. Que tu sois choisie ou non, tu n’as pas de contrôle là-dessus. Ce que tu peux contrôler, c’est te préparer comme si tu étais un joueuse remplaçante en séries éliminatoires et qu’une de tes coéquipières tombait au combat. Vas-tu être en mesure de sauter dans l’action pour terminer le match?” C’est ainsi que je lui ai exposé la situation. »

Thompson et Kisser conviennent que résiliente est un mot approprié pour décrire son parcours vers les Jeux paralympiques.

« Il y a eu beaucoup d’obstacles sur sa route », dit Thompson, qui sera aux côtés de son athlète à Tokyo en tant que membre du personnel d’entraîneurs canadien. « Elle s’est vraiment développée en tant que personne en raison de toute cette adversité, et je pense que l’adversité l’a aidée à devenir la personne qu’elle est aujourd’hui. Elle obtient la récompense qu’elle attendait depuis toutes ces années. »

Kisser ajoute : « Je dirais que (résiliente) est un bon mot. Quand je regarde ma carrière sur papier, ce n’est pas spectaculaire, ce n’est pas toujours amusant, ce n’est pas quelque chose qui fait dire aux gens « Wow ! C’est incroyable! » Ce fut un contretemps après l’autre. Une blessure ici, une blessure là. Ne pas faire l’équipe, presque faire l’équipe. Tant d’obstacles au cours des sept dernières années. Pour être honnête, je ne sais pas comment expliquer que je nage encore, mais je sais que c’est ce que je suis censée faire. Je suis ici pour une raison. »

Tous deux conviennent également que peu importe ce qui se passera dans la piscine le 28 août, les débuts paralympiques de Kisser devront être considérés comme un succès.

« Je ne pense pas que nous puissions mesurer le succès en fonction des résultats dans son cas », déclare Thompson. « C’est une occasion de se retrouver sur la scène mondiale et d’être l’activiste qu’elle veut être pour le sport et les para-athlètes, et de faire partie du Mouvement paralympique. Bien sûr, elle aimerait que son succès soit mesuré en termes de performance, j’adorerais la voir atteindre une finale. Mais elle a résisté à toutes ces tempêtes, et le simple fait qu’elle n’ait jamais lâché et qu’elle soit toujours là est un succès. »

« Je pense que concourir à Tokyo et concourir pour mon pays va être tellement plaisant parce qu’il n’y a pas de pression », dit Kisser. « Il y a un mois, je n’étais pas dans l’équipe. Et il y a deux mois, la porte était complètement fermée. Puis, cette porte s’est en quelque sorte ouverte et aujourd’hui je suis là. Je suis vraiment ravie d’être ici et d’être avec Équipe Canada. »

Kisser ajoute qu’il y a une autre raison pour laquelle elle est heureuse que ses débuts paralympiques coïncident avec les Jeux reportés de Tokyo 2020.

« Selon moi, ces Jeux vont représenter la résilience des gens, des gens qui ont été forts mentalement, des gens qui ont su surmonter bien plus que leurs propres différences physiques, mais aussi la pandémie, les confinements, tout ce qui s’est passé. Les gens qui sont ici sont des gens qui ont montré une force différente, et donc je pense que ça va être très cool de voir cela mis à l’avant-plan lors de ces Jeux. Je suis reconnaissante d’avoir la chance de jouer un petit rôle dans tout cela. »