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Routliffe relativise ses médailles aux mondiaux après avoir surmonté une blessure au dos

Articles de fond –

Par Jim Morris

Le soulagement ressenti par Tess Routliffe après avoir remporté trois médailles, dont une d’or, aux championnats du monde de paranatation de l’année dernière est remplacé par une certaine fébrilité, alors qu’elle se prépare à répéter ses exploits cet été.

Routliffe a décroché son premier titre mondial à Madère 2022 en remportant le 100 mètres brasse SB7. Elle a également récolté l’argent au 200 quatre nages SM7 et le bronze au 50 papillon S7.

Ces trois visites sur le podium sont survenues un an après que l’athlète de 24 ans originaire de Caledon, en Ontario, et qui s’entraîne au Centre de haute performance – Québec à Montréal, se soit brisée le dos, une blessure qui lui a fait manquer les Jeux paralympiques de Tokyo 2020.

Bien que satisfaite de sa performance au Portugal, Routliffe n’a pas ressenti l’euphorie ou l’exaltation à laquelle on pourrait s’attendre. Elle a plutôt eu un sentiment d’accomplissement après avoir manqué trois années de compétition en raison de la pandémie de COVID-19 et de la réadaptation suite à sa blessure.

« J’ai l’impression que c’était plutôt un moment de soulagement », a déclaré Routliffe, qui est née avec une hypochondroplasie, une maladie qui affecte la conversion du cartilage en os, ce qui entraîne un raccourcissement des membres. « Pendant trois ans, je n’ai pas pu faire ce que j’aimais. J’attendais juste le moment de le faire. »

Les médailles remportées par Routliffe représentaient plus pour elle que son classement dans une course donnée.

« Je pense que cela a prouvé la croissance qui s’est produite au cours des dernières années », a-t-elle déclaré. « Le simple fait d’avoir pu réaliser cela pour moi-même après l’année déchirante, très difficile qui a précédé. Cela m’a permis de voir les choses sous un angle vraiment différent.

« J’étais très heureuse de cela. »

Après avoir fait face à de nombreuses questions l’année dernière, Routliffe espère apporter beaucoup de réponses aux championnats du monde de cet été, qui se tiendront à Manchester, en Angleterre, du 31 juillet au 6 août.

« Lors des derniers championnats du monde, j’avais beaucoup de pression sur les épaules, c’était encore un gros point d’interrogation. Les gens autour de moi, les entraineurs et le personnel, je ne pense pas qu’ils avaient d’énormes attentes, ils voulaient juste me voir concourir.

« Ces championnats du monde vont être très agréables. J’aurai la pression et l’excitation de concourir à nouveau. Il y a moins de points d’interrogation. »

Routliffe a décroché une médaille d’argent au 200 QNI lors des Jeux paralympiques de Rio 2016. Elle se trouvait dans la salle de musculation pour s’entrainer en vue des Paralympiques retardés de Tokyo lorsqu’une barre de 37 kilogrammes lui est tombée sur le dos, lui fracturant la colonne vertébrale au niveau de la vertèbre L1, qui permet de contrôler les mouvements des muscles de la hanche.

L’accident s’est produit un peu plus de deux mois avant les Jeux.

Les médecins lui ont dit qu’elle avait eu de la chance, car si la colonne vertébrale s’était complètement brisée, elle aurait pu rester paralysée.

« Mon cerveau ne s’est même rendu au point où je me demandais si j’allais pouvoir marcher à nouveau, si j’allais pouvoir faire des activités quotidiennes », a déclaré Routliffe. « Mon cerveau est allé directement à Tokyo. »

Espérant toujours participer aux Jeux paralympiques,Routliffe s’est lancée à corps perdu dans la réadaptation.

Elle marchait deux jours après l’opération, mais pendant deux semaines, ses mouvements ont été fortement limités. Elle ne pouvait ni se pencher ni se tordre. Elle ne pouvait rien ramasser.

Trois semaines plus tard, Routliffe était de retour dans l’eau, mais « je devais le faire de manière très flottante » parce qu’elle ne pouvait pas faire de virages.

Six semaines plus tard, elle pouvait faire des virages.

« C’était très douloureux », a affirmé Routliffe. « Il y avait beaucoup de muscles que je n’avais pas utilisés depuis six semaines.

« Nous essayions encore de voir si nous pouvions aller à Tokyo, mais j’ai réalisé que cela n’arriverait pas. »

Le soutien que Routliffe a reçu de sa famille a été déterminant dans son rétablissement. Elle ne tarit pas d’éloges envers ses sœurs Erin, une joueuse de tennis professionnelle, et Tara, qui fréquente une université américaine et profite d’une bourse d’études en volleyball.

« Mes sœurs ont été mon plus grand soutien », a déclaré Routliffe. « Elles ont dû être mes infirmières pendant six semaines.

« Elles vont se moquer de moi pour le reste de ma vie et je leur en suis éternellement reconnaissante. »

Même si elle a dû faire face à la douleur causée par sa blessure et à la frustration d’avoir manqué les Jeux paralympiques, Routliffe n’a jamais envisagé de prendre sa retraite de la natation.

« J’avais toujours les mêmes objectifs », a-t-elle déclaré. « J’étais prête à aller de l’avant, à passer à l’étape suivante.

« Je pense que c’est ce qui a rendu les mondiaux si sereins. J’étais tellement prête pour cette compétition. »

« Cela témoigne de sa grande volonté », a déclaré Lavallière, un ancien paranageur qui a participé à Rio 2016.  « C’est une dure à cuire.

« C’était tout un défi à relever. L’année dernière, nous avons surtout mis l’accent sur la récupération, trouver nos marques et savoir ce que nous pouvions faire. »

À environ 13 mois des Paralympiques de Paris 2024, la compétition aux championnats du monde de cette année sera encore plus relevée.

« Tout le monde se prépare, tout le monde a besoin de voir où se situent les autres et quel est votre classement », a déclaré Routliffe. « C’est vraiment emballant parce que ce sont les Jeux avant les Jeux. »

Lavallière, qui a été nommé entraineur-chef du CHP-Québec l’automne dernier, a déclaré que la stratégie de cette année a changé, passant du simple bonheur de participer à la préparation pour Paris.

« Je pense que c’était une surprise pour nous tous de la voir connaître autant de succès, » dit-il. « Je pense qu’elle a encore une grande marge de progression dans beaucoup d’aspects.

« Elle peut encore surprendre beaucoup de gens, moi y compris, au cours de l’année à venir, par ce qu’elle peut faire. »

L’année écoulée a amené Routliffe à reconsidérer ses plans de carrière.

« Si vous m’aviez posé la question il y a deux ans, j’aurais répondu que j’allais arrêter après Paris », a-t-elle dit. « J’aurais dit que je ne pense pas pouvoir faire quatre ans de plus.

« Mais aujourd’hui, je me vois très bien continuer pendant encore quatre ans. »